Les documents de référence abordant le thème du leadership, ainsi que les modèles d’évaluation et de développement des compétences en la matière, affluent en nombre.

Ce chapitre vise à reproduire l’œuvre du centre académique Fuqua/Coach K Center on Leadership & Ethics (COLE). Pour tous les adeptes du basketball, l’entraîneur Mike Krzyzewski figure parmi les plus grands de son domaine, et l’un des plus connus. Ses équipes de l’Université Duke ont remporté plusieurs titres nationaux. En outre, il a décroché la médaille d’or de la Coupe du monde de basketball FIBA et des jeux Olympiques avec son équipe masculine américaine. Son formidable parcours découle sans conteste de ses aptitudes de leader pour lesquelles il est particulièrement prisé.

Six domaines de leadership

Au sein du centre académique Fuqua/Coach K Center on Leadership & Ethics (COLE), nous avons la chance d’interagir avec une multitude de cadres et d’étudiants. Tandis que certains demeurent sceptiques, d’autres font preuve d’optimisme. Les premiers nous ont posé la question suivante : « Comment parvenez-vous à enseigner le leadership ? N’est-ce pas un trait inné que certains possèdent et d’autres pas ? ». Quant aux optimistes, ils se sont empressés de nous demander tous les secrets pour devenir de meilleurs leaders.

Nous avons répondu aux sceptiques que les véritables meneurs pouvaient être des leaders naturels, mais également « façonnés ». Nous affichons tous des forces et des faiblesses qui nous sont propres et qui affectent nos capacités en matière de leadership. Néanmoins, rares sont les personnes qui parviennent à tirer pleinement profit de leur potentiel de leadership. En qualité de formateurs, nous aidons nos étudiants à mieux exploiter leurs capacités.

Notre réponse aux optimistes différait quelque peu. Nous leur avons confié que le leadership se rapportait aux comportements, plutôt qu’aux traits de caractère et à la personnalité. Autrement dit, il n’existe pas un seul « type de leadership ». Nous avons tous rencontré d’incroyables leaders des plus discrets, mais non pas moins inspirants, et d’autres dont la personnalité était hors du commun. Le leadership se traduit avant tout par nos actions et la manière dont elles affectent la perception que nous avons de nous-mêmes. Par exemple, si les autres discernent ce en quoi vous croyez et comprennent que vous tenez réellement à eux, ils vous accorderont toute leur confiance et feront preuve d’une grande loyauté. Les leaders peuvent être « façonnés » et devenir encore meilleurs s’ils sont à même d’analyser leurs comportements au sein d’un système, de comprendre les types de comportements et les interactions qui conduisent à l’efficacité du leadership, et de modifier leurs comportements en fonction de ce qu’ils en ont tiré.

Qu’est-ce que le leadership?

En matière de leadership, il n’est point question de prestige, de pouvoir ou de statut, mais plutôt d’influence et de persuasion. Il ne s’agit pas non plus de position, ou simplement de relations hiérarchiques, mais bien de guider les supérieurs et les pairs tout comme les subordonnés directs. Une organisation peut parfaitement être composée uniquement de leaders qui démontrent leur propre comportement d’encadrement.

Le leadership repose sur la création, l’adaptation et la pérennisation des organisations face à des défis à la fois internes et externes. Ainsi, nous considérons le leadership différemment de la gestion pure et simple, le premier étant davantage axé sur les personnes et créateur de valeur, tandis que le second s’oriente plutôt sur les systèmes, la mise en place et les processus. Les deux revêtent une importance similaire et jouent des rôles essentiels au sein d’une organisation.

Six domaines de leadership

Il y a quelques années, nous avons entrepris à deux (Sitkin et Lind) le développement d’un cadre sur le leadership reposant de manière prépondérante sur la théorie et une multitude de travaux de recherche. Toutefois, nous cherchions également à élaborer un modèle fonctionnant parfaitement en termes d’actions au quotidien. Nous nous sommes penchés sur les recherches et la théorie sur le leadership en matière de comportements organisationnels, ainsi que sur des sujets connexes comme la confiance au travail, l’impartialité et le contrôle, tout en examinant les points de vue des sciences sociales et politiques, de la psychologie cognitive, politique et sociale. Dans le cadre de nos recherches, six domaines distincts de comportements de leadership sont apparus, avec leurs propres effets sur les suiveurs, à savoir, le style personnel, le style relationnel, le style contextuel, le style inspirant, le style encourageant et le style éthique. Ensemble, ils constituent un modèle intégral et dynamique d’activités de leadership, tel qu’illustré par le schéma ci-dessous :

Domaines de leadership et effets

La répartition des différents domaines au sein d’un même cadre démontre leurs liens et les effets qu’ils produisent, tel qu’indiqué par les cercles. Par exemple, le domaine relationnel figure en position centrale étant donné que le leadership repose principalement sur la dynamique leader-suiveur, et que la confiance qu’il confère constitue un élément commun à tous les autres styles de leadership. Les trois domaines de base forment les fondations des niveaux suivants : le leadership inspirant et encourageant. Pour assurer la mise en place au sommet du leadership éthique, les cinq autres domaines doivent être bien ancrés.

Cette représentation des comportements de leadership composés des six domaines présentés ci-dessus intègre non seulement les aspects intellectuels, mais également les aspects émotionnel et de réflexion qui concernent chaque leader ainsi que les relations qu’ils nouent avec les autres à petite et à grande échelle. Ainsi, notre modèle s’adresse tant aux leaders qu’aux étudiants en leadership à différents niveaux.

Au niveau individuel, il encourage les personnes à explorer leur potentiel de leader.

Au niveau de l’équipe, il pousse les membres et les chefs d’équipe à réfléchir sur leurs relations interpersonnelles, ainsi que sur leurs habilités à forger des liens émotionnels avec les autres et sur leur désir de soutenir et de mettre au défi les individus en cas de besoin.

Au niveau organisationnel, il offre aux leaders une plateforme contextuelle destinée à leur faire accepter les responsabilités découlant de leur position : insuffler un sentiment commun de fierté. Le cadre est également remarquable du fait qu’il se concentre sur les comportements, qu’il propose une conceptualisation intégrée et dynamique du leadership et qu’il s’ancre dans un large éventail de disciplines universitaires.

Dans ce chapitre, nous présentons une vue d’ensemble des six domaines susmentionnés, ainsi que des comportements connexes et des effets qu’ils produisent chez les suiveurs.

« Un leader performe au mieux lorsque l’on se rend à peine compte de sa présence, que le travail est fait, que l’objectif est rempli et que les autres disent alors : nous l’avons réalisé nous-mêmes ! »

Lao Tzu

Domaines de base – Leadership personnel, relationnel et contextuel

Leadership personnel :

Les leaders doivent être jugés capables de tenir les rênes et de faire preuve de dévouement et d’authenticité envers leur équipe. Par ailleurs, ils doivent être crédibles en matière de vision et d’expérience. Les suiveurs se posent les questions suivantes : cet individu est-il suffisamment qualifié pour nous diriger ? A-t-il une idée de la direction empruntée par l’équipe/l’organisation et du chemin pour y parvenir ? L’objectif visé est-il en définitive une bonne chose pour l’organisation dans son ensemble et correspond-il aux valeurs prônées par les membres de l’équipe ? Lors de sa préparation, le leader a-t-il pris le temps de bien comprendre l’environnement et les défis liés à l’objectif ?

En fin de compte, les individus désirent être guidés par une véritable personne, et non par un titre ou un rôle. En matière de leadership personnel, les leaders doivent développer et démontrer un style authentique en adéquation avec leur personnalité et leurs valeurs. En outre, ils doivent faire preuve de passion et d’engagement envers l’organisation et l’équipe, autrement dit, être impliqués à 100 %. Dans le cadre de ce domaine, leurs promesses méritent d’être concrétisées. Nombreuses sont les histoires où des cadres supérieurs ont tenté d’intégrer un changement au sein de l’organisation, et ce, sans succès, puisqu’ils ne semblaient pas s’adapter eux-mêmes aux valeurs qu’ils prônaient. Pour finir, la constance et la prédictibilité des actions d’un leader sont essentielles.

Quand un potentiel leader fait preuve d’un bon style personnel en démontrant ses compétences, son authenticité et son dévouement, il gagne en crédibilité. 

Leadership relationnel :

Alors que le leadership personnel se concentre sur l’habilité d’une personne à se projeter et à démontrer ses valeurs afin de forger une image de leader, le leadership relationnel repose sur la capacité du leader à comprendre et à respecter le suiveur, tout en tenant compte de son bien-être. Le leader considère-t-il les suiveurs comme des personnes à part entière, avec des forces et des faiblesses uniques et capables de ressentir des émotions, ou comme un outil pour parvenir à ses fins ? Pour témoigner sa compréhension et sa reconnaissance, le leader doit être à même de motiver l’équipe et de laisser la parole avant même d’écouter les idées partagées, et de démontrer toute l’importance de ces échanges à l’échelle du groupe.

Les individus ont certes besoin d’être guidés par une personne en chair et en os, mais aussi d’être compris, respectés et épaulés. Le leader affiche-t-il un intérêt sincère envers les suiveurs ? Ces sentiments peuvent être transmis simplement par une carte de remerciement, ou, dans le cadre d’une stratégie plus complexe, sous la forme d’une politique de soutien à l’emploi pour chaque personne ayant perdu leur travail à la suite d’un licenciement massif.

En vue de devenir un leader relationnel incontestable, il convient également de faire preuve d’honnêteté avec chaque membre de l’équipe, ainsi qu’avec le groupe dans son ensemble. Pour ce faire, la transparence peut être de mise dans les prises de décision, ainsi que dans les feedbacks sur les performances d’un individu en particulier. À partir du moment où un véritable leadership relationnel est en place, la confiance règne entre le leader et les suiveurs.

Leadership contextuel :

Aujourd’hui et comme jamais auparavant, l’identité des personnes est étroitement liée à leur organisation. Les individus forgent davantage leur identité au travers de leur milieu professionnel, et les bons leaders contextuels encouragent et exploitent cette caractéristique pour le bien de l’équipe et pour atteindre ses objectifs. En matière de leadership contextuel, les leaders forgent un sentiment d’identité commune à l’équipe en aidant les membres à entrevoir les valeurs de l’équipe, sa mission et ce que l’équipe représente dans son ensemble.

« Un leader mène les individus là où ils désirent aller. Un grand leader les guide là où ils n’ont pas nécessairement envie d’aller, mais où ils devraient être. »

Rosalynn Carter

Les leaders éthiques font également en sorte que les suiveurs détermine les valeurs organisationnelles et les respecte. Ils encouragent un sentiment d’appartenance vis-à-vis de l’organisation, et par extension, de son avenir, notamment dans les étapes difficiles caractérisées par des compromis délicats. Par exemple, l’organisation doit-elle succomber à la corruption lorsqu’elle est en affaires avec des pays dont cette pratique est la norme, ou risquer de perdre son client au profit de ses concurrents ? L’organisation doit-elle étendre ses ressources pour faire l’acquisition de matériaux plus onéreux, mais plus écologiques ?

En présence d’un leadership éthique fort, l’équipe partage un sentiment de fierté à l’égard de l’organisation et assume une certaine responsabilité envers les actions entreprises par l’organisation. De la sorte, chaque suiveur considère l’organisation comme la sienne.

Conclusion

Certains considèrent le leadership comme un art, et non comme une science, lequel découle d’un mélange complexe d’instinct, de décisions conscientes et d’actions reposant sur la situation, les personnes impliquées, les objectifs et l’expérience du leader. Cependant, cet art n’est pas aussi délicat que la tâche consistant à imaginer la prochaine œuvre naissant de l’intuition et de la créativité d’un artiste. Six domaines distincts de comportements interagissent ensemble de manière à former un sentiment de loyauté, de confiance, de communauté, d’ambition, de jugement indépendant et de direction au sein des suiveurs. En tirant des leçons de nos comportements et en y réfléchissant, en motivant les autres et en faisant preuve d’ouverture sur la perception desdits comportements au sein de ces six domaines, nous pouvons apprendre à devenir de meilleurs leaders, toujours plus efficaces.

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(English) This article is by Sim B. Sitkin, E. Allan Lind and Sanyin Siang and is reproduced in its entirety with their kind permission. The authors work at the Fuqua/coach K Center on Leadership & Ethics (COLE). For further information see http://cole.fuqua.duke.edu